Ces photos de Mai 68 censées montrer la violence du mouvement sont-elles authentiques ?
Question posée par David le 18/03/2019
Bonjour,
«Une page Facebook appelé "TVnews gilet jaune" diffuse des photos en déclarant qu'elles sont de mai 1968 et qu'il y avait autant de violences que ce week-end à Paris», remarquez-vous, avant de demander : «Est-ce authentique ?»
La page Facebook TV News gilet jaune propose, avec son message, «quelques photos» censées montrer la «ressemblance» entre les deux mouvements sociaux. L'immense majorité de la trentaine de clichés – tous non sourcés et non légendés – datent effectivement du mouvement de mai-juin 68, a constaté CheckNews à force de recherches d'images inversées. A une exception près : une photo de la série a en fait été prise en Italie en 1969.
Photos non sourcées
CheckNews s'était déjà intéressé à une photo de mai 1968 censée prouver que les protestations étaient plus violentes à l'époque. On y voit des voitures retournées, rue du Gay-Lussac, le 11 mai 1968, au lendemain de la «Nuit des barricades». On retrouve sensiblement le même cliché dans la série qui nous préoccupe.
Rue Gay-Lussac au matin du 11 mai 1968. Fonds France-Soir. BHVP. Roger-Viollet
Une photo de la série montre un feu de signalisation renversé – une scène également visible dans un cliché légèrement différent du 11 mai 1968. C'est aussi probablement à cette date (ou quelques jours auparavant), qu'ont été immortalisées des barricades sur le boulevard Saint-Michel. La nuit durant laquelle elles ont été dressées a aussi été documentée ici et là. Tous ces clichés se retrouvent dans la série publiée sur Facebook. Ainsi qu' un deux et trois autres du 10 mai, ou encore deux autres, non datés, pris à Bordeaux.
La page Facebook «TV News gilet jaune» a reproduit dans sa série une, deux, trois, quatre, cinq et six photos de l'Agence France Presse, effectivement prise en mai 1968 (sauf la dernière, datée de juin et reproduite ci-dessous), une de l'agence SIPA, et une autre de la préfecture de police de Paris. Elles ne sont pas créditées, pas plus que celles ( d'une barricade et d'un slogan) de Jean-Claude Seine, celle d'un tag de Jo Schnapp, celle d'une barricade de Marc Garanger, ou celle d' un panonceau en manif (œuvre de Gérald Bloncourt, nous explique l'agence Bridgeman images qui en possède les droits).
Les CRS chargent les étudiants boulevard Saint-Michel, dans le quartier Latin, suite à l’évacuation de la Sorbonne, le 16 juin 1968. Photo AFP
Une photo n’a rien à voir avec 1968
Les deux clichés les plus difficiles à authentifier de la série montrent deux banderoles déployées lors de manifestations. Celle où lit «Etudiants - Enseignants - Travailleurs ; Tous unis» a été prise à Perpignan le 13 mai 1968, nous a confirmé le fonds Ribière à qui la photo appartient.
Sur une autre banderole, on lit «Droit aux vacances, à l'instruction, au métier». La photo est parfois utilisée pour illustrer le mouvement social de mai 1968, et parfois pour illustrer les accords de Matignon de 1936. Elle a en fait bien été prise le 1er mai 1968 à Paris, par le photographe Michel Smolianoff, nous confirme l'Institut d'histoire sociale CGT, qui possède le cliché dans ses archives.
Enfin, une photo n'a pas été prise en France au cours du mouvement social de 68. On y voit quatre hommes frapper un policier à terre. Selon la légende qu'en donne le Corriere della Sera, le cliché a en fait été pris à Milan en avril 1969.