Le 29 mai 1968, la France vit depuis près d'un mois une vague de contestation inédite quand le général de Gaulle disparaît. Pendant quelques heures, nul ne sait où se trouve le président d'une République laissée à l'abandon. « Durant ces semaines, la faiblesse du pouvoir avait été mise en évidence. Comme si brutalement, tout devenait fragile et pouvait donc changer », se souvient la sociologue Josette Trat, qui était à l'époque étudiante en sciences humaines et militante d'extrême gauche. A l'origine de la révolte, une fronde étudiante qui a démarré le 22 mars, il y a cinquante ans, à l'université de Nanterre, en banlieue parisienne. Ce jour-là, la fac est occupée par des étudiants qui s'insurgent contre l'arrestation récente de manifestants contre la guerre du Vietnam, et réclament une nouvelle fois le droit d'accès des garçons aux résidences des filles. L'un des meneurs est un certain Daniel Cohn-Bendit, 22 ans. Il fait partie des 574 personnes interpellées le 3 mai à la Sorbonne par les forces de l'ordre. Parmi elles, citons aussi Jacques Sauvageot, vice-président de l'Union nationale des étudiants de France (Unef), et deux responsables trotskistes de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), Alain Krivine et Henri Weber. Accompagnés d'Alain Geismar, l'un des leadeurs du Syndicat national de l'enseignement supérieur (Snesup), ces jeunes militants organisent très vite une série de manifestations qui débouchent, le 13 mai, sur une grève générale. Débordant les structures syndicales et politiques, le mouvement fait planer un parfum de révolution, et le départ soudain de Charles de Gaulle laisse croire à un possible changement de régime. On finira par apprendre qu'il s'est rendu en Allemagne sur la base militaire française de Baden-Baden, pour s'entretenir dans le plus grand secret avec le général Massu, un de ses proches. A son retour, le 30 mai, le père de la Ve République finit par mettre un terme à cette gigantesque récréation. Mais que se serait-il passé si de Gaulle n'était jamais revenu ?

Cohn-Bendit à l'Elysée !

Le nouveau livre de l'historien et journaliste Vincent Quivy, Les 99 Jours de Cohn-Bendit, tente de répondre à cette question. Sous forme d'uchronie (un récit fictif écrit à partir d'un point de départ historique), l'auteur donne une autre fin aux événements de mai 68. Sous sa plume, les protagonistes continuent leur combat, et « Dany le Rouge » s'installe à l'Elysée! Cette fiction nous a incités à interroger des acteurs de l'époque, pour comprendre ce qui aurait réellement pu se passer s'ils l'avaient emporté. Le premier d'entre eux s'appelle Henri Weber, coauteur avec Daniel Bensaïd, quelques mois seulement après les barricades, de Mai 1968 : une répétition générale, un ouvrage qui annonçait le programme d'une révolution dont les pavés du quartier latin auraient posé les bases. « On voulait instaurer un ensemble de conseils d'entreprises, d'universités, de casernes, centralisé au niveau régional puis national, explique l'ancien dirigeant de la JCR, aujourd'hui âgé de 73 ans. Nous serions ainsi passés d'un régime parlementaire à une démocratie directe fondée sur une pyramide de conseils. Les principales entreprises auraient été nationalisées, et les rapports sociaux, fondés sur l'autogestion. En somme, le modèle classique du communisme révolutionnaire, perverti en URSS. Nous espérions que la France serait le premier pays à le mettre réellement en oeuvre. » Son ancien compagnon de lutte, le cinéaste Romain Goupil, 66 ans, a lui aussi rêvé de ce scénario au cours duquel la grève générale vire à l'insurrection. Figure du mouvement lycéen, le jeune homme intègre, à 16 ans, le service d'ordre de la JCR, chargé d'encadrer toutes les manifs. « Mon but était alors de prendre la tête d'une police politique et d'aller chercher les gens chez eux. Une fois au pouvoir, on aurait éliminé ceux qui s'opposaient à nous, comme lors de la révolution russe! Le trio Weber-Krivine-Bensaïd, issu de la JCR, aurait dirigé tous les organes du pouvoir, et le premier à être liquidé aurait été le libertaire Cohn-Bendit (plus proche à l'époque des anarchistes, NDLR) », s'enflamme, en se moquant de lui-même, l'ancien adolescent exalté. Henri Weber tempère. « Le contexte était bien différent de l'état de guerre dans lequel s'est déroulée la révolution russe de 1917. En tant que trotskistes, nous étions sensibles au risque de dégénérescence que représentait le totalitarisme stalinien. Reste que cela ne risquait pas d'arriver en 68! »

En 1968, Romain Goupil se filme pour son documentaire Mourir à 30 ans.photos (MK2 Production/Christophel)

Des leadeurs éloignés de la base du mouvement

Car, en réalité, si les groupuscules pouvaient imaginer prendre le pouvoir, ils n'ont jamais songé y parvenir dès le mois de mai. « Notre rêve n'était pas possible avec un Parti communiste, principale force de gauche, qui ne voulait pas faire la révolution. Il redoutait que ça aille trop loin. C'est le drame de 68 », souligne Alain Lipietz, 70 ans, qui mena la révolte à l'Ecole polytechnique. Le prestigieux établissement militaire lui fournissait un argumentaire efficace auprès d'ouvriers réticents à causer avec les étudiants : des cigarettes offertes par l'armée, ô combien précieuses alors que les bureaux de tabac n'étaient plus approvisionnés ! « J'allais beaucoup dans les usines où j'étais bien accueilli au piquet de grève grâce à mes Gauloises, raconte celui qui deviendra une figure des Verts. On y espérait une évolution profonde des conditions de travail, mais personne ne voulait monter sur les barricades. La situation n'était pas révolutionnaire. » Du moins pas au sens politique du terme. D'autant que les jeunes qui prônaient l'interdiction d'interdire, et qui constituaient la base du mouvement, étaient très éloignés des leadeurs qu'ils ne s'étaient pas forcément choisis. « Dans la rue, les gens n'aspiraient pas du tout au même changement que les petits noyaux d'extrême gauche dont je faisais partie », note Serge July. Cet ancien de l'Unef cosignera, en 1969, Vers la guerre civile, un appel au soulèvement, avant de lancer le quotidien Libération, en 1973. « Seul Cohn-Bendit exprimait l'esprit de Mai 68, avec l'insolence de l'interpellation, sans le moindre programme », poursuit le journaliste. Le refus de prendre le pouvoir se traduisait d'ailleurs par un désintérêt total des manifestants vis-à-vis de ses lieux d'exercice. Le 23 mai, la foule passe sans un regard devant nombre de ministères très mal gardés par un Etat en déroute. Mais personne ne veut y entrer, pas plus qu'à l'Assemblée nationale ou à l'Elysée.

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Les seuls qui ambitionnent d'investir les palais de la République à la fin du mois de mai sont François Mitterrand et Pierre Mendès France. Les deux socialistes se portent candidats à la direction d'un gouvernement provisoire, dans l'idée de profiter de la vacance du pouvoir et de l'élan étudiant en obtenant le ralliement de certains leadeurs. Un espoir manifesté lors du meeting au stade Charléty le 27 mai. « En les faisant rois, on aurait eu de l'influence sur eux, résume Henri Weber, qui participa aux préparatifs de ce grand rassemblement avec Michel Rocard, courroie de transmission entre Mendès et la jeunesse gauchiste. Alain Geismar et Jacques Sauvageot, qui représentaient des syndicats institutionnels (Snesup et Unef, NDLR), seraient entrés dans un gouvernement d'union de gauche. En tant qu'anarchiste, Cohn-Bendit n'aurait pas accepté d'en être, tout comme la JCR. On l'aurait en revanche soutenu, et c'était là un objectif réaliste. » Finalement, Georges Pompidou, alors Premier ministre, saura négocier rapidement avec la CGT les accords de Grenelle. Signés le 27 mai, ils aboutiront notamment à une hausse du salaire minimum. Progressivement, les ouvriers reprendront le travail.

En 1965, le jeune Serge July (à dr.), au côté d'Alain Geismar (au centre), fait partie des leadeurs de l'Union nationale des étudiants de France. (Keystone France/Gamma-Rapho)

« Bouffée d'oxygène »

« En fait, Mai 68 a été le signal de la fin de l'hégémonie communiste et du mythe selon lequel la révolution créerait un retournement irréversible du pouvoir, analyse l'écrivain Hervé Hamon, auteur de L'Esprit de mai 68 (Editions de l'Observatoire, 210 p., en librairie le 11 avril). Le gauchisme qui a suivi, en tentant désespérément, et de façon désordonnée, de restaurer le léninisme dans son authenticité supposée, n'était qu'un spasme d'adieu à l'idée du Grand Soir. » A savoir cette croyance en une rupture radicale, à partir de laquelle tout serait possible. Ce qui ne signifie pas, loin de là, que l'esprit de 68 n'a abouti à rien. « Ce fut une mise à jour formidable et spontanée de la société française, poursuit Hervé Hamon. Le début d'une transformation essentielle du tissu social entre maîtres et élèves, entre hommes et femmes, entre juges et justiciables... » Bref, les manifestants ont refait le monde à la Sorbonne, lors d'interminables discussions où ils imaginaient comment changer la vie, mais sans jamais chercher à formaliser leurs idées dans une nouvelle constitution. « Ce fut une véritable parenthèse enchantée, une bouffée d'oxygène qui a conduit à la renaissance d'un "individualisme en commun", conclut l'architecte Roland Castro, 77 ans, qui fut un membre actif de la mouvance maoïste, engagée sur le tard dans le mouvement après l'avoir dédaigné pour son manque d'implantation en milieu ouvrier. Mai 68 a laissé une trace de bonheur durable, qui suscite de la nostalgie même chez ceux qui ne l'ont pas vécue. »

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